En septembre 1663, un premier contingent de 36 filles du roi accoste au port de Québec. Pendant 10 ans, elles seront plusieurs centaines à arriver et à prendre mari en Nouvelle-France. Cet effort de peuplement sans précédent va provoquer une augmentation rapide du nombre d’habitants. Il faut dire que la colonie en a grand besoin.
En 1663, on compte moins de 3 000 personnes en Nouvelle-France, soit 10 fois moins qu’en Nouvelle-Angleterre. Plusieurs facteurs expliquent cette situation : climat rude, voyage en mer dangereux, guerres iroquoises, traite des fourrures demandant peu de main-d’œuvre, manque d’intérêt général des Français pour immigrer si loin.
Avant 1663, près de 75 % des hommes engagés retournent en France à la fin de leur contrat. Le manque de femmes y est aussi pour quelque chose : en 1666, le recensement dénombre 719 hommes célibataires âgés de 16 à 40 ans, contre seulement 45 femmes de la même tranche d’âge.
Avec l’apport des 770 filles du roi qui débarquent de 1663 à 1673, la population triple1. Ce n’est qu’en 1678 que l’équilibre entre les sexes est atteint, année où la population d’origine canadienne dépasse celle qui est née en Europe.
Les femmes contribuent ainsi largement à accroître sa population de la Nouvelle-France et à compenser les décès liés aux guerres et épidémies2.
En France, au 17e siècle, il y a deux possibilités pour une jeune fille : le mariage ou le couvent. Devenir fille du roi offre l’espoir d’une vie potentiellement meilleure, même si elle peut être plus dure dans la colonie3.
Orphelines ou veuves, les filles du roi viennent au Canada aux frais de Louis XIV. « Une fois enrôlées et munies de leur trousseau, lequel comprend notamment des habits, 1 coiffe, 100 aiguilles, 1000 épingles, 2 couteaux et 2 livres en argent, les recrues s’embarquent […] pour la traversée en mer. Au nombre de 770, elles proviennent en majorité de la région parisienne, de la Normandie ou de l’Ouest de la France »4.
Mal connues, les origines des filles du roi ont fait l’objet de nombreuses interprétations qui perdurent encore aujourd’hui. Si certains auteurs les ont qualifiées de filles de « moyenne vertu », d’autres, au contraire, en ont fait des héroïnes exemptes de défauts.
Plusieurs études récentes tracent un portrait plus juste de ces orphelines et veuves. Seules et d’origines modestes, elles ont simplement saisi l’occasion de tenter l’aventure du Nouveau-Monde pour refaire leur vie5.
Les filles du roi ont maintenant trouvé leur place dans l’historiographie québécoise pour ce qu’elles sont : un facteur décisif dans la survie et le développement de la Nouvelle-France. Pionnières, aïeules ou mères de la nation, ces femmes méritent qu’on se souvienne d’elles.
1 Marie-Ève Gingras, « Les filles du roi; mythes, réalités et représentations », Cap-aux-Diamants, no 114, été 2013, p. 21.
2 Loc. cit.
3 Ibid., p. 20.
4 Loc. cit.
5 Le Collectif Clio résume bien cette question dans L’histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, Montréal, Le Jour, 1992, p. 60-64. Pour en savoir plus, consulter également Jean Blain, « La moralité en Nouvelle-France : les phases de la thèse et de l’antithèse », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 27, no 3 (décembre 1973), p. 408-416; Yves Landry, Les Filles du roi au XVIIe siècle, Orphelines en France, pionnières au Canada, Montréal, Leméac, 1992.