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Clin d'oeil: le bataillon des manches de hache

Le contrôle du poll

Au 19e siècle, le contrôle du poll (bureau de scrutin) devient un enjeu qui détermine qui gagnera une élection.

Pour un candidat, une des principales stratégies consiste à réunir une bande de fiers-à-bras pour contrôler l’accès au poll. Ils empêchent ainsi leurs adversaires de voter, intimident les électeurs ou font disparaître les registres de l’officier-rapporteur, s’ils réalisent que leur candidat est en voie de perdre.

Si un autre candidat décide de réunir à son tour des hommes de main pour reprendre le contrôle du poll, la situation dégénère en bagarre.

Ces groupes, qui sont de véritables milices électorales, font régner un climat de tension et de violence pendant des décennies au Québec. Ils perturbent les assemblées politiques, chahutent les orateurs, leur lancent des œufs pourris, saccagent des propriétés, provoquent des bagarres de rue, etc.

Un candidat doit donc obligatoirement avoir de tels individus sous ses ordres pour se protéger et maintenir un rapport de force avec ses adversaires. Les électeurs en sont bien entendu les premières victimes, tout comme les autres candidats.

Quelques scènes célèbres

Dessin des membres du Doric club.

En 1827, dans Montréal-Est, l’abus d’alcool fait dégénérer en bagarre générale l’élection entre John Molson père et Hugues Heney

 « Les esprits étaient échauffés à un tel point qu’il se livra une bataille épouvantable. Les coups de poings et toutes les autres finesses d’attaque et de défense furent mis en œuvre. On voyait dans un clin d’œil les pieds de tables convertis en épées, le reste en boucliers. Les combattants s’empoignaient sans cérémonie par le nez, les cheveux et autres parties commodes, et se les tiraillaient sans pitié. L’officier-rapporteur eut beau se mettre de la partie, il fut obligé d’ajourner au lendemain.

Les visages d’un grand nombre et les corps de presque tous ont rendu témoignage de l’opiniâtreté du combat. Les lois de la guerre ont été violées : car, un champion n’avait pas été plutôt renversé que ses ennemis sautaient sur lui et le sabotaient de leurs pieds »1.

La Axe handle brigade, ou le « bataillon des manches de haches », fait son apparition dans les années 1830. Voici la description qu’en fait Alfred DeCelles :

« On organisait de longue main l’assaut des bureaux de votation. Les batailles de ce temps sont restées longtemps légendaires, et l’on a parlé durant des années de la Axe handle brigade, du bataillon des manches de hache. Les Canadiens durent recourir à la même arme pour se défendre. Que de coups alors échangés au grand jour des élections, et que de crânes endommagés! Que de Canadiens et d’Irlandais apprirent à leurs dépense, quel redoutable instrument contondant, c’est qu’un vulgaire manche de hache!

Ce n’était pas seulement la canaille qui jouait du bâton et des pierres; de vrais messieurs se mettaient souvent de la partie pour soutenir les batailleurs et diriger le mouvement. C’était une triste nécessité de la situation. Il fallait repousser la violence par la violence […] Les choses en vinrent au point que souvent un candidat à intentions pacifiques se voyait forcé de mettre une milice électorale sur pied en prévision d’une attaque »2.

Plus tard, en 1873, dans Québec-Est, Charles-Alphonse Pantaléon Pelletier se fait tirer dessus durant une assemblée qui dégénère en bagarre générale.

En 1907, le chef nationaliste Henri Bourassa est accueilli par une pluie de pierres et de légumes alors qu’il s’adresse à la foule dans le quartier Saint-Roch, à Québec. La police n’intervient pas. Il doit quitter l’estrade. Pour lui, c’est le ministre Louis-Alexandre Taschereau, présent dans la foule, qui encouragea les sympathisants libéraux à l’attaquer et retint la police : ils n’acceptaient pas de voir Bourassa, leur adversaire, venir les provoquer dans une ville qu’ils considéraient comme leur château-fort3.

Les incidents de ce genre sont innombrables dans l’histoire électorale du Québec. Ils expliquent pourquoi l’Assemblée nationale a voté des lois pour améliorer les mœurs électorales et permettre aux électeurs de s’exprimer sans danger ni contraintes.

1 Jean et Marcel Hamelin, Les mœurs électorales dans le Québec de 1791 à nos jours, Montréal, Éditions du Jour, 1962, p. 47-48.

2 Alfred Duclos De Celles, Scènes de mœurs électorales, Montréal, Librairie Beauchemin, 1919, p. 9-11.

3 Robert Rumilly, Histoire de la province de Québec, vol. 13, Montréal, Éditions Bernard Valiquette, p. 77-78.

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